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Paranormal Activity


Paranormal Activity Année : 2007

Titre original : Paranormal Activity

Réalisateur : Oren Peli

Katie, jeune étudiante, et Micah, jeune cadre dynamique, vivent seuls dans une immense demeure. Depuis quelque temps, le couple entend des bruits étranges, pendant la nuit ; Micah décide donc d'investir dans une caméra numérique afin de mener l'enquête. Las, il semblerait que l'entité facétieuse dont sont victimes les deux protagonistes n'apprécie guère qu'on s'immisce dans ses affaires, et bientôt la plaisanterie tourne au cauchemar, tandis qu'entre démence et démons la demeure devient le théâtre de phénomènes effroyables.

Vous l'aurez compris, il s'agit, dans ce film, une fois n'est pas coutume, de faire de la caméra un personnage à part entière. A l'instar de Cloverfield, Paranormal Activity se propose de plonger le spectateur dans son univers angoissant par l'intermédiaire d'un cameraman amateur, j'ai nommé Micah, jeune homme féru de nouvelles technologies et plus qu'impatient d'en découdre avec le petit plaisantin qui s'amuse à faire craquer le parquet, claquer les portes et taper contre les murs de sa chambre à des heures indues. Fort heureusement, le réalisateur a eu la bonne idée de faire utiliser à son personnage un trépied lors des nombreuses séquences qui nécessitaient un plan fixe - soit toutes les nuits où le couple est victime d'apparitions plus ou moins violentes -, ce qui, sans compter la relative dextérité dudit protagoniste, permet d'éviter au spectateur toute sensation de malaise et toute envie de regurgiter son repas sur son voisin, son siège ou l'écran.

Passé ce petit détail technique, on se rend rapidement compte qu'il ne se passe pas grande-chose, dans cette maison, la plupart du temps, si l'on excepte les bruits et la porte qui tend à se refermer d'elle-même. Et c'est là justement ce qui fait tout l'intérêt du film. Très vite, à la vue de cette grande chambre obscure, prisonnière, comme le couple, d'un plan de demi-ensemble qui laisse entrevoir, sur le côté gauche, au-delà de la porte entrouverte, un couloir enténébré, le spectateur commence à partager la peur des deux héros, parce qu'il attend, parce qu'il appréhende le moindre signe qui pourrait prouver que la demeure est bel et bien hantée, de sorte qu'il devient lui-même, en quelque sorte, doublement acteur du film, en assistant à la projection de ces images tout d'abord, puisqu'elles nous sont présentées comme un témoignage, une trace de ce qui s'est "réellement" déroulé, mais également en anticipant les apparitions du poltergeist (du fantôme ou du démon, quoi que cela puisse être), faisant de la sorte de son imagination la source même de son angoisse - un mot sur lequel il convient d'insister, puisque le réalisateur ne cède pas ici à la tentation, trop fréquente dans le cinéma d'horreur, de l'effet de surprise : il nous donne, conscient de sa démarche, toujours de l'avance sur ses personnages.

Il convient également de rappeler que l'entité dont il est ici question n'est à aucun moment visible directement : on ne perçoit de son absente présence que les effets qu'elle peut avoir sur le décor et la bande sonore (un bruit sourd et grave annonce toujours une manifestation visuelle de la chose, ce qui amplifie considérablement la tension que l'on peut ressentir alors), si bien qu'il semble souvent que c'est l'angoisse éprouvée par le spectateur qui, tel Le Cri de Munch, déforme ce qui se trouve à l'image. Une apparition sans apparence, donc, qui nous met face à nos propres peurs, de l'infini, de l'indéfini et, finalement, de la mort, cette porte ouverte sur un gouffre noir béant, dans cette chambre obscure qu'est la vie. Chambre obscure. En latin, camera obscura, l'instrument qui, d'une certaine façon, se trouve justement être l'ancêtre de cette bonne vieille caméra dont nous disions tantôt qu'elle était un personnage à part entière de cette horrible histoire de fantômes, une caméra dont l'usage et le sens sont multiples, puisqu'elle permet à Katie et Micah de prendre une distance par rapport aux événements, de même que les spectateurs voient, par la même occasion, leurs propres fantômes et fantasmes (mots qui ont en commun bien plus que leur étymologie) projetés sur un écran, dans une fiction qui, bien qu'effrayante, rassure. La caméra, l'image qu'elle produit, la représentation qui en est le fruit, constituent donc l'écran que chaque individu prend soin, au quotidien, de placer entre lui-même et le monde réel. Paranormal Activity nous rappelle ainsi que l'homme ne peut vivre que dans et par la fiction, la mort se trouvant hors-champ, bien qu'on en ressente constamment l'irrémédiable présence, qu'elle forme et déforme notre perception du monde, que se trouve en elle, en somme, l'origine même de cette fiction qui nous permet de vivre.

En conclusion, Paranormal Activity, sans être un chef-d'oeuvre, parvient sans mal à son objectif (Oren Peli désirait, de son propre aveu, nous faire trembler devant nos écrans) tout en nous proposant une réflexion intelligente sur le statut de l'image et de la représentation dans notre société. Un film de revenants auquel on aura plaisir à revenir.

Note : 7,5/10


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